Ne pas cacher le soleil avec la main





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«Il n’y a pas de crispation politique dans mon pays. Le Rhdp a gagné 125 communes sur 200. Dans quelques communes, il y a eu certes des difficultés. Cela se passe aussi en France comme partout ailleurs. Ce n’est donc pas une crispation. Il y a des personnes quand elles gagnent, tout va bien, mais quand elles perdent, rien ne va plus ». Ces propos sont du chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara.

Il les a tenus au sortir de l’audience que lui a accordée, le lundi 12 novembre dernier, à l’Elysée (Paris), le président français, Emmanuel Macron.

 Le dirigeant de Côte d’Ivoire qui n’a visblement pas déroger à la règle non écrite de communication des dirigeants d’Afrique ou d’ailleurs, a fait une lecture sienne et bien avantageuse de la situation sociopolitique dans son pays. En Côte d’Ivoire, tout va bien. Pourrait-on résumer la déclaration de M. Ouattara. « Il n’y a pas de crispation politique dans mon pays ». Entendez : Messieurs et Mesdames, ne vous en faites pas, aucune crise politique ne prend forme en Côte d’Ivoire. Tout se passe comme dans le meilleur des mondes.

Si Alassane Ouattara avait fait cette même déclaration devant Macron (peut-être l’a-t-il fait), celui-ci aurait certainement écarquillé les yeux d’étonnement. « Vous dites, monsieur le Président, qu’il n’y a pas de crispation dans votre pays ? », aurait eu raison Emmanuel Macron d’interroger son hôte ivoirien. Mais il ne faut surtout pas se leurrer, le chef de l’Etat de France qui dispose de beaucoup de relais officiels et officieux, nouveaux comme anciens, en Afrique, n’ignore pas que si la Côte d’Ivoire n’est pas au bord du précipice, elle n’en est pas bien loin. Tant les antagonismes politiques, mêlés de haine et de revanche, sont rudes.

Oui, il existe bel et bien une forte crispation politique et sociale en Côte d’Ivoire. La tension observée avant, pendant et après les élections municipales et régionales du 13 octobre 2018 constitue un des nombreux indices. Les autres indices étant, pêle-mêle, les grèves récurrentes dans l’école et l’administration publique, le dialogue inexistant entre l’opposition et le pouvoir (sur la réconciliation, la gouvernance démocratique, les élections etc.), les affrontements intercommunautaires sanglants, l’implosion de la coalition au pouvoir avec en prime les ruptures Ouattara-Bédié et Ouattara-Soro, les crises internes aux partis politiques etc. A moins de deux ans de l’élection présidentielle d’octobre 2020, scrutin crucial parce que censé promouvoir de nouveaux leaders et un nouveau leadership, le pays retient son souffle.

Que va-t-il se passer ? S’interrogent les Ivoiriens et tous ceux qui vivent dans ce pays. La crispation est si intense que les rumeurs de tous ordres fleurissent. Certains apeurés pensent à un autre Noël dramatique à la Robert Guéi (général putschiste de 1999) ; d’autres, partisans de la théorie du complot, voient la fin du monde pour la Côte d’Ivoire en 2019, année charnière avant la présidentielle de 2020. Tous ces tableaux alarmistes renvoient à un sentiment unique : la peur. Les habitants de la Côte d’Ivoire ont peur, à l’approche de 2020, parce que depuis la crise post-électorale de 2010-2011, aucune initiative sociopolitique sérieuse – hormis la récente et tardive ordonnance d’amnistie– n’a été prise pour réconcilier les Ivoiriens qui se regardent en chiens de faïence, pour donner espoir aux populations qui désespèrent du lendemain et redoutent une nouvelle déflagration.

« On ne peut pas cacher le soleil avec la main », dit le proverbe. Une sagesse pour affirmer qu’une personne ne peut pas empêcher la vérité d’être connue. La vérité ici étant que la Côte d’Ivoire va mal. Elle est engluée depuis, au moins, l’année 2011, dans une crispation sociopolitique profonde. Comment en sortir ? Telle devrait être la question. Et la préoccupation pour les dirigeants. Mais non, nier l’évidence.

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