Face aux exigences de l’opposition, qui réclame une refonte de la Commission électorale indépendante (CEI), le gouvernement prétend qu’une élection ne se gagne pas au niveau de cet organe. Nous lui répondons qu’une élection peut se perdre à la CEI, et peut dégénérer à partir de cette institution.
En 2010, c’est à la CEI qu’Alassane Ouattara a failli être spolié de sa victoire à l’élection présidentielle. Il a fallu une guerre impliquant la communauté internationale, pour que sa victoire, obtenue dans les urnes, puisse être proclamée par la CEI, et suivie d’effet sur le terrain.
Ce scrutin de sortie de crise, aprèsmaints reports,a fini par se tenir le 31 octobre de cette année-là.
Aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue au premier tour. Laurent Gbagbo, le Président sortant, candidat de La Majorité présidentielle (LMP), était en tête avec 38,04% des voix. Il était suivi d’Alassane Ouattara, le candidat du RDR (32,07%). Sur un total de quatorze candidats, ils étaient les deux qualifiés pour le second tour, le 28 novembre. Ce jour-là, le vote s’est déroulé dans le calme sur toute l’étendue du territoire national. Dans la soirée, quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, la proclamation des résultats a débuté. Les premiers chiffres donnés étaient ceux de la diaspora. Et après, plus rien.
Le blocage qui s’en suit va se muer en une grave crise postélectorale qui a fait au moins 3000 morts. Que s’est-il passé à la CEI ? Bamba Yacouba ex-porte-parole de la structure et témoin public de ce blocage raconte sa « part de vérité » en janvier 2011 face à des Ivoiriens en France : « (…) La CEI a reçu un courrier d’une requête du camp présidentiel aux fins d’invalidation des résultats dans cinq régions, à savoir la région de la Vallée du Bandama, des Savanes, du Worodougou, du Denguélé et du Bafing. La Commission Centrale, après débats, a opposé une fin de non-recevoir car, ne relevant pas de ses compétences, à l’examen de cette requête tout comme elle l’a fait lors du premier tour lorsqu’elle a reçu les requêtes preuves à l'appui, du PDCI-RDA et du RDR aux fins d'invalidation des résultats dans les régions forestières du Sud, du Sud-ouest et du District d'Abidjan. Porte- parole de la CEI, faisant suite à un refus de tentative de corruption après la proclamation des premiers résultats de la diaspora, j'ai personnellement été victime devant les caméras du monde entier, d'une agression commise par les Commissaires Damana Adia Pickas et Tokpa Vei Etienne, tous deux membres de la LMP et proches du candidat Gbagbo Laurent avec pour objectif d'empêcher par tous les moyens l'annonce des résultats par la CEI… » Vous en savez la suite. Il est important de rappeler que cette CEI avait fait l’objet d’un consensus avant l’élection. Mais cela n’a pas empêché ce gros couac qui ayant débouché sur une guerre postélectorale. Qu’en sera-t-il d’une nouvelle CEI qui divise avant même sa mise en place ? Elle est récusée par l’opposition significative dont les exigences ont été ignorées par le pouvoir Rhdp, qui a fait adopter son projet de loi jeudi dernier par sa majorité parlementaire. Quelle élection, et quel climat politique réserve à la Côte d’Ivoire une commission électorale rejetée par l’opposition avant même le début du processus électoral ? Certains affirment qu’ailleurs dans le monde, les élections sont organisées par l’Exécutif à travers le ministère de l’Intérieur. Ils concluent alors qu’un organe électoral non étatique n’est pas indispensable et estiment que les opposants ivoiriens peuvent se contenter d’une CEI recomposée, oubliant que dans ces démocraties occidentales, le ministère de l’Intérieur est vraiment républicain et bénéficie de la chose la plus importante chez tout arbitre : la confiance des parties. Pour pallier l’absence de la même droiture chez nos gouvernements-organisateurs, l’ona opté dans la plupart des pays africains pour des commissions électorales autonomes et indépendantes pouvant incarner cette confiance et garantir un climat électoral apaisé. C’est d’ailleurs le but visé par l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples qui ordonne une refonte de la CEI. N’oublions pas que la présidentielle de 2010 n’a pas été la première élection ivoirienne ‘’gâtée’’ par la CEI. Va-t-on allonger la liste ?
Cissé Sindou