L’infecte compromission létale





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Le 3 juin 1993, dans le tout premier éditorial de son journal «L’Indépendant», feu Norbert Zongo a écrit que «Les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur.» A cette époque, le journaliste assassiné quelques années plus tard, donnait, pour preuve de son affirmation, les cas du Zaïre et du Togo. Deux illustres et malheureux exemples des débuts 1990 avec des peuples gémissant sous la férule de tyrans militaires. Par leur propre faute. Pourquoi ?

D’après Norbert Zongo, la compromission est le mal le plus profond qui gangrène la société africaine post-coloniale. Pour lui, cette tare infecte d’abord les intellectuels opportunistes qui se servent de leurs connaissances livresques pour aider les dictateurs à donner un contour idéologique et politique à leur tyrannie… Le tyran peut voler, tuer, emprisonner, torturer… il sera défendu, intellectuellement réhabilité par des «cerveaux» au nom de leurs propres intérêts.

Le 2ème niveau est constitué par les opposants de circonstance. Ils se battent et entraînent des hommes sincères avec eux avant de rejoindre l’ennemi d’hier, avec armes et bagages, surtout avec la liste des opposants sincères. Résultat : ils bénéficient des grâces du tyran pendant quelque temps avant d’être éjectés, emprisonnés ou tués… Pour la simple raison qu’un dictateur n’a confiance en personne, surtout pas en un ancien opposant.

Le 3ème niveau tire sa substance des «indifférents». Ceux-là, écrit Norbert Zongo, sont les «pourvu que», c’est-à-dire ceux qui n’ont d’autres soucis que leur petite personne. Ils sont l’incarnation de la pure race des égoïstes myopes (pourvu que mon salaire tombe, pourvu que je n’aie pas d’ennuis, pourvu que rien n’arrive à ma famille…) qui, inconscients du danger, s’étonnent d’être dévorés à leur tour après avoir assisté impassibles à la destruction de leurs voisins. Ils apprennent ainsi à leurs dépens que personne n’échappe à une dictature lorsqu’elle s’installe dans un pays.

Aujourd’hui encore, ces réflexions du journaliste burkinabé enveloppent totalement le vécu ivoirien. La Côte d’Ivoire ne fait donc pas exception à la règle peu ou prou immuable des «3 compromissions» qui gangrènent l’Afrique, notamment la plupart des ex-colonies françaises d’Afrique occidentale. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil sur l’actualité nationale pour se rendre compte de l’acuité de la déliquescence avérée de la société ivoirienne. Un état de dégradation qui prend sa source dans la Constitution du pays et contre laquelle personne ne semble se sentir de taille à se battre. Pour ne pas mettre en péril ses intérêts personnels.

Au fond, le véritable problème des pays africains francophones est le caractère monarchique de toutes les Constitutions. Ces lois fondamentales, dérivées de la Constitution française en vigueur dans les années 60, octroient quasiment tous les pouvoirs au président de la République. Du coup, le chef de l’Etat n’éprouve aucune peine à se transformer en dictateur. Ce qui favorise l’émergence des 3 compromissions. Comment sortir de ce guêpier ? Violente question dont les réponses sont loin d’être évidentes. Et c’est peu dire. 

Par Bamba Franck Mamadou

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