Roulements de tambour de guerre





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Dans le monde occidental de la guerre, les batteries d’ordonnance c’est-à-dire les roulements de tambour utilisés dans l’infanterie visant à transmettre des ordres aux troupes ont atteint leur apogée au  17ème siècle. Mais durant les deux siècles suivants, on continuera d’utiliser le tambour pour rythmer la cadence des troupes au front, leur demandant d’avancer à grands pas vers l’ennemi ou de reculer, quand cela apparaît nécessaire. Les roulements de tambour étaient ainsi devenus consubstantiels à l’art de la guerre. Même si aujourd’hui, la musique n’accompagne plus les soldats au front, un fait demeure certain, pour engager leurs troupes dans un conflit, les armées modernes laissent apparaître des signaux  venant de leurs hiérarchies que les états-majors captent comme un OK.

C’est le scénario quasi-identique que nous offrent les acteurs politiques ivoiriens, à 14 mois de l’élection présidentielle d’octobre 2020. Une élection cruciale pour toutes les formations politiques mais surtout pour les trois grands partis qui se sont affrontés au scrutin de 2010. Comme des roulements de tambour avant la guerre, les acteurs politiques profèrent des déclarations incendiaires dans la perspective de 2020. Aucun cadeau n’est fait à l’adversaire voir l’ennemi. Quant à leurs partisans, les hommes politiques les galvanisent sans retenue à en découdre, dans quelques mois, avec leurs vis-à-vis. Chacun d’eux revendique avant terme, la victoire de 2020. Une défaite, personne ne l’envisage. « Le RHDP représente 72% de la Côte d’Ivoire au plan politique. C’est un parti qui a une majorité confortable (…) Et aujourd’hui, sans verser dans l’autosatisfaction, nous pouvons dire que si l’élection devrait être organisée dans trois mois, le RHDP est prêt (…) Nous avons un parti, un appareil qui a couvert toute la Côte d’Ivoire composé de compétences. Il n’est pas comme le PDCI qui s’est désossé et le FPI qui est à la recherche d’un parti parce qu’émietté. Aujourd’hui, c’est plus l’opposition qui a besoin de se reconstituer », a soutenu, le lundi 26 août 2019, Adama Bictogo, directeur exécutif du RHDP, sur le plateau de la télévision France 24. Ce que M. Bictogo a voulu passer comme message, en filigrane, c’est qu’il serait inimaginable que le RHDP perde l’élection présidentielle de 2020. Un message que les militants et sympathisants du parti présidentiel ont assurément reçu 5 sur 5. Et qui pourrait sonner dans leur tête comme une opposition à toute défaite.

Le néo-opposant Anaky Kobenan, transfuge du RHDP, embouche en quelque sorte la même trompette que le directeur exécutif du RHDP. Le fondateur du MFA, parti d’opposition, ne croit pas possible une victoire du RHDP en 2020 au moment où le PDCI et le FPI, deux des trois partis politiques de l’échiquier ivoirien sont alliés. Pour M. Anaky, la victoire ne pourra qu’être celle de la plate-forme de l’opposition portée par le PDCI et le FPI. Vrai ou faux, son message est lancé. « En Côte d’Ivoire, on dit que c’est un tabouret à trois pieds et qu’il est pratiquement impossible, lorsque deux pieds sont unis que le troisième pied gagne. Mais, à la surprise générale, il y a un pied qui commence déjà à déclarer qu’il est sûr de gagner tout seul en 2020 contre les deux autres. Nous savons tous que la chose est impossible. Donc, si un pied qu’il va gagner en 2020, cela veut dire que ce pied-là prépare forcément et certainement la belligérance. Ce sera certainement un passage en force. Mais, pour l’amour  ciel refusons cela de toutes nos forces et de toute notre énergie. Tordons notre amour propre, tout ce qu’il ya à faire pour éviter cela. On doit sauver la Côte d’Ivoire », a-t-il affirmé, le 20 août dernier, lors d’une conférence de presse au quotidien Le Nouveau Réveil.

 Répondant à Anaky Kobenan, Joël N’Guessan, porte-parole officieux du RHDP, nargue l’opposition en se convainquant, à l’instar d’Adama Bictogo, d’une invincibilité du RHDP. « Tout en affirmant qu’ils sont démocrates, ils (les opposants, ndlr) refusent que la démocratie s’exerce et que le vote majoritaire l’emporte sur le vote minoritaire. Le dernier en date est mon ami et frère Anaky Kobenan, ex-président du Mouvement des Forces d’Avenir (MFA) dont il a perdu le contrôle à la suite de ses mésententes récurrentes avec ses principaux collaborateurs ». Pour Kacou Guikahué, secrétaire exécutif en chef du PDCI, c’est son parti qui sortira vainqueur du vote en 2020. « Continuez de ramasser vos tabourets, le PDCI prendra la chaise royale en 2020», a-t-il devant les militants du PDCI, parlant du pouvoir RHDP, le 25 août 2019 à Abengourou.

Qui remportera l’élection présidentielle de 2020 ? Nul ne le sait. A moins d’être un devin. Ce qu’on sait cependant, c’est que la bataille s’annonce âpre tant les discours de mobilisation sont vindicatifs. Seule condition pour que le vainqueur soit le vrai, la mise sur pied d’une commission électorale consensuelle et indépendante. Le pouvoir Ouattara ne semble, malheureusement, pas entendre les choses d’une telle oreille. Menaçant ainsi gravement la stabilité du pays, le processus démocratique et la transparence électorale.

 

Veritas

Par Didier Dépry

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