Après l’interdiction du rassemblement du Pdci-FPI, EDS-Cdrp en décembre dernier, la tenue du meeting de l’EDS-FPI ce samedi Place Ficgayo est remplie de leçons pour le pouvoir Rhdp.
Ils avaient le choix entre la retenue et le bras-de-fer avec les autorités. Le 21 décembre 2019, les organisateurs du giga meeting de l’opposition ont finalement fait le premier choix. Face à la volonté affichée du gouvernement de ne pas les voir se réunir nulle part sur le territoire national, les responsables du Pdci-FPI, EDS-Cdrp ont décidé à la dernière minute, d’annuler purement et simplement leur meeting initialement prévu place Ficgayo, puis délocalisée à la place Seny Fofana de Port-Bouët. C’était après la mesure gouvernementale d’interdiction de tout rassemblement politique sur un espace ouvert. Bien avant, les autorités avaient approché les organisateurs pour leur demander de surseoir à cette manifestation au motif qu’il n’y aurait pas assez moyens humains pour sa sécurisation, les agents des forces publiques étant déployés à la visite effectuée en Côte d’Ivoire à cette période par le Président français Emmanuel Macron. La vraie raison de l’interdiction n’a jamais été officiellement expliquée, mais elle était sue de tous. C’est que le pouvoir, avec sa tête le chef de l’Etat Alassane Ouattara, ne souhaitait pas que durant le séjour de Macron en Côte d’Ivoire, il y ait dans le pays d’autres évènements majeurs pouvant détourner les attentions de la présence de l’hôte de marque, de surcroit un giga meeting d’où les leaders de l’opposition allaient diffuser des critiques acerbes contre le régime Rhdp. Les orateurs allaient par exemple ressasser les griefs de l’opposition vis-à-vis de la CEI actuelle, sur le coût de la carte nationalité dont la gratuité est exigée, la crise à l’Assemblée nationale où le bureau formé par Amadou Soumahoro est contesté, les prisonniers politiques… et bien d’autres questions des droits de l’Homme.
Certes, en annulant le meeting, les responsables des partis impliqués ont pris le risque de se discréditer et de démotiver leurs militants pour les combats futurs. Cependant, s’ils maintenaient la rencontre, non seulement les pouvoir les aurait présentés au monde entier comme des antis républicains et des fauteurs de troubles, mais ils prenaient surtout le risque d’exposer leurs militants à une répression violente qui pouvait faire des blessés voire des morts, ou des arrestations. Pour preuve, le 23 décembre, alors qu’ils se rendaient calmement à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny pour accueillir leur mentor, un accueil qui ne tombait pourtant pas sous le coup de la fameuse interdiction, des membres de Générations et peuples solidaires (GPS) ont été mis aux arrêts par la police. Le même jour, des hommes en treillis et en cagoules ont fait irruption au siège de GPS à la Riviera, pour interpeller une quinzaine de cadres du mouvement présidé par Guillaume Soro. Ils étaient réunis pour une conférence de presse. Si le giga meeting du 21 décembre avait été maintenu, les dégâts auraient pu être plus graves. En renonçant à cette activité ce jour-là, l’opposition a donc évité un gros piège. Elle a réussi à montrer à la face du monde une atteinte grave à la démocratie et aux libertés politiques en Côte d’Ivoire. Finalement, la non-tenue du rassemblement du 21 décembre n’aura donc pas évité au pouvoir les critiques qu’il ne voulait pas entendre en présence de Macron. Pour les démocrates de Côte d’Ivoire et du monde entier, la seule mesure d’interdiction a été plus éloquente sur les dérives autocratiques que tous les propos qui auraient pu être martelés sur le podium de ce meeting.
En outre, l’opposition a préservé l’intégrité physique de ses militants. Ceux-ci ne sont toutefoispas découragés. Des milliers d’entre eux en ont fait la démonstration samedi dernier en en venant prendre part au meeting du FPI-EDS. Ostraciser l’opposition est toujours contre-productive. Une fois de plus, cette leçon vient d’être faite aux décideurs actuels.
Cissé Sindou