Après l'annonce par le président de la République, Alassane Ouattara qui a décidé de ne pas se présenter à l'élection présidentielle d'Octobre 2020, l'ancien président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro, en froid avec lui, a dans une déclaration, "salué, une fois n'est pas coutume", la décision de Ouattara de se conformer à la Constitution.
Mes chers compatriotes,
En décidant de réunir le Parlement en Congrès, le Président de la Côte d’Ivoire a posé le premier acte, incontestablement biaisé, d’une réforme de notre Constitution.
Je salue, une fois n’est pas coutume, la décision de se conformer, enfin, aux dispositions de notre Loi fondamentale, qui lui interdisent formellement de briguer un troisième mandat.
On l’aura compris, cette annonce est destinée à séduire l’opinion publique internationale, obtenir la bienveillante complaisance de celle-ci et, surtout, à détourner l’attention du peuple des vrais enjeux, à savoir le tripatouillage de la Constitution pour asseoir le règne d’un clan, ad vitam aeternam.
La malice politique qui vise à capitaliser cette « non candidature » ne doit pas faire diversion.
Renoncer à violer la Constitution, excusez du peu, est la moindre des choses. Cela n’en rend pas moins condamnable le dessein présidentiel, totalement assumé, de transférer le pouvoir à un successeur choisi.
Appelons-les choses par leur nom : c’est le scénario d’une véritable forfaiture qui se met en place. Le pouvoir appartient au peuple, c’est indéniable. Ce n’est ni un héritage, ni un legs. Il ne se transfère pas. C’est au seul peuple de Côte d’Ivoire d’élire le président de la République. C’est son droit inaliénable. Le schéma qui se présente à nous est celui d’un projet de dévolution successorale du pouvoir suprême, par le biais d’une manœuvre constitutionnelle.
Ainsi, ce régime ne se contente pas de museler ses opposants, d’emprisonner des députés sans la levée de leur immunité parlementaire ni de mettre la Justice à sa botte : il manipule notre Loi fondamentale, trois ans seulement après son adoption par référendum, en la triturant au nom de petits calculs électoralistes.
Le déni de démocratie est patent.
Car, à double titre, cette réforme est inacceptable :
- La méthode, d’abord. Réformer la Constitution, c’est prendre la décision d’une entreprise structurante qui ne peut se concevoir et s’exécuter sans y associer l’ensemble de la classe politique et des forces vives de la Nation. Pour ma part, j’estime qu’un pouvoir loyal et responsable ne peut prétendre engager un tel chantier sans privilégier une procédure référendaire, seule à-même de susciter une large adhésion et lui conférer une réelle légitimité.
La Constitution appartient à tous les citoyens. Ici, c’est un homme seul qui, de façon autoritaire et sans la moindre concertation, décide de la soumettre à son bon vouloir.
- Le temps Ensuite. A cette démarche singulière, s’ajoute une gestion du temps parfaitement inique : ainsi, en Côte d’Ivoire, on réforme la Constitution moins de sept mois avant une élection présidentielle ! On y change unilatéralement les règles du jeu, à si courte distance d’une telle échéance, alors que la pré-campagne a débuté et que des candidats se sont déjà déclarés !
Le protocole de la CEDEAO, relative à la démocratie, interdit, nous le savons, de tels tripatouillages. Manifestement, le pouvoir d’Abidjan n’en a cure.
Le régime de M. Alassane Ouattara nous donne chaque jour l’exemple consternant de ce qu’il ne faudrait plus faire : le règne de l’arbitraire, des institutions méprisées, le goût obsessionnel du pouvoir qui réduit le peuple à l’état de témoin passif de son destin.
L’enjeu, aujourd’hui, est de consolider notre démocratie et de renforcer nos institutions. Un pouvoir légitime ne doit pas passer par-dessus ses concitoyens, il doit les mettre en situation de s’exprimer.
Aucun progrès, aucune dynamique n’est possible, dans un pays où le pluralisme est réduit à néant.
En agissant de la sorte, la Présidence, une fois de plus, contourne les Ivoiriennes et les Ivoiriens et confirme que pour conserver son pré-carré, elle ne reculera devant rien.
Ce faisant, elle prend le risque inconsidéré de diviser encore un peu plus notre société, d’alimenter un climat de tension, comme celui que notre pays a malheureusement connu il y a dix ans.
Ce souvenir funeste devrait conduire à la mesure, à l’esprit de rassemblement et de réconciliation, ainsi qu’au respect de nos règles communes.
J’en appelle à l’alliance de toutes les forces démocratiques de Côte d’Ivoire. Au-delà c’est à tout le Peuple de Côte d’Ivoire que je fais appel. L’heure est à l’union sacrée, face aux périls qui menacent nos libertés et notre Nation.
A l’aube d’un rendez-vous qui est celui du peuple, je veux vous livrer quelques convictions, intangibles à mes yeux, et nullement négociables.
Notre vie démocratique appelle des actes forts et le respect absolu des valeurs.
Notre vie démocratique implique une élection présidentielle authentiquement inclusive et transparente.
Notre vie démocratique exige la création d’une nouvelle Commission Electorale Indépendante, puisque l’actuelle est stipendié, partiale et sclérosée …
Et j’ajouterai ceci : notre vie démocratique doit pouvoir mobiliser tous les citoyens à égalité.
Si je me suis engagé à la gratuité de la carte d’identité pour tous, c’est parce qu’une Nation doit traiter ses enfants sans discrimination ni exclusion, leur reconnaître les mêmes droits, leur permettre d’accéder aux mêmes références et aux mêmes symboles.
Je suis candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2020, vous le savez déjà. Et avec vous je la gagnerai, c’est manifeste.
Je ne le suis pas pour moi-même.
Je suis candidat pour que demain, le peuple accède au pouvoir.
Ensemble, si vous le voulez et le décidez, je vous le promets : nous ferons de la Côte d’Ivoire une démocratie que d’autres pays, en Afrique et dans le monde, citeront en exemple !
Dieu bénisse notre nation, Dieu bénisse son peuple !
Je vous remercie.
Guillaume Kigbafori SORO.