Depuis quelques années, Guillaume Soro savait qu’Alassane Ouattara avait choisi Amadou Gon comme le candidat du Rhdp en 2020.
C’est en 2017 qu’un haut cadre du Rassemblement des Républicains (RDR) nous dévoilera un secret qui ne pouvait être méconnu par Guillaume Soro.
Fraîchement éjecté de son fauteuil ministériel, ce proche collaborateur du Président Ouattara était tombé en disgrâce et n’en était pas moins critique vis-à-vis du régime. C’est ainsi qu’autour d’un thé, il nous confiera que le choix du candidat du Rhdp en 2020 ne tiendrait pas compte de l’appel de Daoukro encore moins de la volonté de la base. Alassane Ouattara, révélait-il, avait déjà porté son choix sur Amadou Gon Coulibaly, et cela suivant deux critères majeurs.
Selon notre interlocuteur, l’ancien DGA du FMItient à se montrer reconnaissant vis-à-vis de la famille Gon Coulibaly. Ainsi, il nous apprendra qu’à l’orée de sa carrière politique, letechnocrate venu de la Bceaoa été conduit au sein du bois sacré à Korhogo par les soins de la famille Gon Coulibaly. Là-bas, les mânes des ancêtres lui auraient assuré un destin national qui devait se réaliser avec leur bénédiction. Ils lui auraient également prédit toutes les péripéties de son parcours jusqu’au fauteuil présidentiel, en l’avertissant de ce que ce chemin était jonché de « sang » …
Devenu président de la République, le fils de Kong se serait volontairement imposé le devoir de traduire sa gratitude à la famille Gon Coulibaly en permettant à son tour à l’un de leurs fils de parvenir au sommet de l’Etat.
Il se trouve qu’Amadou Gon, non seulement remplit ce premier critère, mais remplit également le second, à savoir être un proche collaborateur de longue date dontOuattara est sûr de la fidélité et de la soumission éternelles.
C’est surtout cette deuxième condition qui éloignera des préférences de Ouattara une personnalité comme Guillaume Soro. L’ancien SG des ex-Forces Nouvelles devenu plus tard son Premier ministre puis le chef du Parlement ivoirien,n’a jamais hésité à luiexprimer en toute indépendance, maisavec sincérité et respect, son avis sur des questions nationales, même lorsque cet avis n’allait pas immédiatement dans le sens voulu par le chef de l’Exécutif.
Nous apprenons par exemple que dès la première mutinerie des 8400 en mai 2016, pendant que d’autres cadres lui demandaient la manière forte, Guillaume Soro a été le seul à conseiller à Ouattara de faire payer les primesréclamées par les mutins afin de préserver la paix. A ces moments de braise, il lui a prononcé la phrase suivante : « Monsieur le Président, la somme que coûtera le règlement pacifique de cette situation représente une goutte d’eau dans la mer devant les pertes que le pays pourrait subir si cette mutinerie venait à dégénérer ». Vous l’avez constaté, après plusieurs atermoiements qui ont provoqué une deuxième mutinerie en janvier 2017, c’est la solution de Guillaume Soro qui sauvera le pouvoir de Ouattara face à la colère des soldats.
Revenons à Amadou Gon Coulibaly.Le chemin pour le faire adouber devait passer par la fusion de tous les partis houphouétistes au sein du Rhdp unifié. Il était prévu que Bédié se contente du poste honorifique de président d’honneur de ce nouveau parti, et qu’Alassane Ouattara en devienne le président exécutif, donc le véritable décideur. Ce qui devait lui permettre de peser lourd dans le choix du candidat le moment venu. A partir de ce moment, toutes les autres ambitions devaient s’éteindre au sein du Rhdp au profit du choix de Ouattara qui avait sa propre compréhension de l’appel de Daoukro. Henri Konan Bédié n’a pas accepté ce schéma, Guillaume Soro non plus. Ce qui vaut à ce dernier d’être qualifié d’homme « pressé » par des partisans de Ouattara.
Ceux-ci auraient voulu qu’à l’instar d’autres présidents d’institutions, l’ancien président de l’Assemblée nationale soutienne la volonté de Ouattara, que cela corresponde ou non à sa conviction. Ils auraient voulu que le président de GPS renonce à ses ambitions somme toute légitimes, pour attendre l’heure choisie pour lui par Ouattara. Cette hypocrisie et ce manque de courage ne font pas partie de la nature de l’ancien SG de la Fesci. Et comme Macky Sall au Sénégal, Emmanuel Macron en France… il a courageusement choisi de sortir du système qui ne lui convenait plus, pour prendre son destin en main.Sa conviction : le pouvoir d’Etat est donné par le seul Peuple dont la volonté triomphe de tout. Toujours.
Cissé Sindou