Gestion des communautés dans le Sud-Comoé : Ces femmes qui ont le pouvoir





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Dans la région du Sud-Comoé,  les reines-mères jouent un rôle important. Quelles sont les missions qui leurs sont dévolues ? Comment gèrent-elles les communautés ? Reportage. 

Le Sud-Est de la Côte d’Ivoire  est une région particulière. Cette zone qui comprend les villes d'Aboisso, Adiaké, Ayamé, Grand-Bassam, Bonoua, Tiapoum et Maféré,  regorge un grand nombre de rois. Et là, le  modèle de société est structuré sur la filiation maternelle où l’autorité parentale légale est exclusivement maternelle. Les reines-mères y jouent un rôle important. 
Notre périple nous a conduit dans plusieurs localités afin de comprendre l’implication des femmes dans la gestion des royaumes et chefferies traditionnelles. Dans la plupart des villages que nous avons visité , l’on nous  fait comprendre que même si aujourd’hui, elle a tendance à se conformer aux décisions prises par les chefs et autres rois, la parole de la reine-mère est toujours prépondérante car elle a le "droit de véto’’ dans les prises de décisions. Il est bon de noter que la position désignée par ce terme, employé à l'origine pour l'aînée d'un lignage royal ou princier, a  évolué car à ce jour, selon certains chefs de terre rencontrés, la reine-mère peut être incarnée par la tante ou une sœur du roi.

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 "Chez nous ici, nous respectons l’autorité de la reine mère qui est ma grande sœur. Mais elle n’a pas de pouvoir de décision en tant que tel. Elle est informée par les décisions que nous prenons, de façon collégiale avec la notabilité qu’elle entérine. Mais elle est d'une grande importance pour nous", nous fait savoir Nanan Ayemou Vangah, chef du village de Larabia, une localité appartenant au département de Grand-Bassam.

L’importance politique de la reine-mère tient surtout à ses connaissances généalogiques précises dont elle dispose en tant que représentante du lignage royal. Pour cette raison, elle a le dernier mot dans l'élection d'un nouveau souverain qui peut seulement accéder au pouvoir après avoir été déclaré légitime. Elle a aussi le droit absolu de donner des conseils au roi en titre et de le censurer. Après la mort ou l'abdication du souverain, elle continue d'occuper sa charge et participe, de façon décisive, au choix d'un successeur. Dans les huit (8) royaumes que compte cette région de la Côte d’Ivoire, tous sont unanimes pour dire que les femmes, toujours présentes aux côtés des souverains, jouent un rôle vital dans la vie et le fonctionnement des villages. Dans la région du Sud-Comoé, seul le village d'Abrobakro, dans la sous-préfecture de Bonoua, a à sa tête, depuis le 26 juin 2008,  une femme comme chef de village. 

Nanan Elisabeth, la femme efficace 

Nanan Elisabeth N’Diaye Aga épouse Nogbou gère ce petit village paisible, situé à la jonction des voies menant à Assinie et à Adiaké, avec une véritable dextérité que lui reconnaissent ses sept (7) notables au nombre desquels cinq (5) hommes et deux (2) femmes. Pour eux, cette dame d’une soixantaine d’années incarne la sagesse, la lucidité et surtout l’efficacité. C’est d’ailleurs entourée de son époux et conseiller Nogbou Aka Jules,  Boziri Bernard (Conseiller), Gnomplégou Alexandre (notable, trésorier et chargé de sécurité), Nintin Thérèse (notable) et Koua Georges (président des jeunes) qu’elle nous a reçu, le mercredi 20 décembre dernier, de 11h à 15h, en sa résidence, située en bordure de voie.
Au cours de notre entretien, Nanan Aga nous fait comprendre qu’elle ne prend jamais de décision seule, mais les soumet toujours à l’approbation de toute la notabilité qui parle d’une seule voix à travers elle. "Pour être en phase avec ses administrés, un chef doit être attentif et savoir analyser les situations avant de prendre une décision", précise nanan Elisabeth. 
En sa qualité  de chef de ce gros village situé  dans la commune de Bonoua, précisément à une dizaine de minutes de Samo,  elle gère de main de maître les quelques 5000 âmes composées d’autochtones abouré, mais aussi d’allogènes Nzima et de plusieurs autres communautés venues essentiellement de la sous-région Ouest-africaine. 
Les notables présents affirment pour leur part, qu’ils n’ont aucun complexe à se faire quant à la gestion de leur village par une femme. D’autant plus qu’elle est efficace et  qu’ils entendent donner aussi l'exemple en terme d'égalité de chances en matière de gestion de la chefferie traditionnelle dans la région et partant de la Côte d'Ivoire.
"Même si quelques fois nous la trouvons trop maternelle sur certaines décisions, nous pensons qu’elle est la personne idéale pour diriger notre village parce que depuis qu’elle est là, le village est en paix", a ajouté Koua George. 
Abondant dans le même sens, Nanan Gino Djaman, chef du village de Vitré 1, situé à Grand-Bassam, vante les mérites de cette femme qui dirige ce village de main de maître depuis bientôt 10 ans. "Elle est une maman, une grande sœur et une conseillère pour nous qui sommes de jeunes chefs. Et, elle ne manque jamais l’occasion de nous ramener à l’ordre quand il le faut", a-t-il déclaré. A son niveau, il dit avoir des femmes dans son conseil et avoue écouter ces dernières un peu plus que les hommes car en général, ‘’leurs conseils sont plus avisés’’
 L’on retient en substance que dans la région du Sud-Comoé, les femmes jouent un rôle prépondérant dans la gestion des communautés, même en arrière plan. Elles sont au départ du processus d’intronisation et participent à la vie communautaire en étant les oreilles les plus écoutées des rois et chefs de village.

Solange ARALAMON 

 

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