Le président du Rassemblement du peuple de Côte d’Ivoire, professeur Bamba Moriféré, bien connu de la scène politique en Côte d’Ivoire n’est pas resté indifférent face à la situation sociopolitique qui prévaut en Côte d’Ivoire. Dans une interview exclusive accordée à pressecotedivoire.ci après quelques mois de silence, Bamba Moriféré s’est attardé sur le dialogue entre le président Alassane Ouattara et son "ainé" Henri Konan Bédié. Pour lui, cette rencontre est une "erreur tactique".
1- L’élection présidentielle a pu se tenir comme prévu le 31 octobre dernier. A l’issue de ce scrutin, le président sortant Alassane Ouattara a été déclaré vainqueur au premier tour. Comment analysez-vous cette réélection ?
Vous le savez bien, il n’y a pas eu d’élection à proprement parler. La désobéissance civile a été un succès sur l’ensemble du territoire. Alassane Ouattara s’est autoproclamé "élu", comme candidat quasi-unique, avec à peine 6 % à 8 % d’électeurs, ressortissants étrangers pour la plupart. C’est donc ni plus, ni moins un coup d’État que nous n’accepterons jamais. C’est une honte de vouloir s’imposer à tout un peuple qui t’a vomi à ce point, mais ce monsieur n’est plus à une forfaiture près.
Vous avez pris connaissance de notre déclaration, à ce sujet. Alassane Ouattara est un ancien président, une transition démocratique se chargera d’organiser l’élection présidentielle.
2- Après le scrutin, la tension n’a pas baissé. Elle s’est même accentuée, se muant par endroits à des conflits interethniques avec son corollaire de morts. Cette crise n’était-elle pas prévisible et ne pouvait-on pas anticiper ?
La tension ne baissera qu’après le départ, contraint et forcé, d’Alassane Ouattara qui est dans sa logique dictatoriale et fasciste de continuer à faire main basse sur notre pays, par la violence, la terreur, l’intimidation, à l’aide de ses miliciens étrangers.
Il n’y a donc pas, à proprement parler, de conflits interethniques comme tente de le faire croire l’ancien président. Les miliciens de Ouattara sont tous des ressortissants étrangers.
3- L’opposition qui dit ne pas reconnaitre Alassane Ouattara comme président de la République a mis en place un organe dénommé Conseil national de transition. A la suite de cet acte, plusieurs cadres de l’opposition ont été arrêtés pour " sédition". Quelle est votre réaction ?
Je viens de vous expliquer que c’est bien Alassane Ouattara qui est dans la sédition, l’imposture et la forfaiture. Il s’agit bel et bien d’un coup d’état. Une élection non concurrentielle n’en est pas une. Nous nous battrons pour faire libérer nos camarades.
Vous savez bien que depuis plus d’un an, il n’a eu de cesse de faire embastiller de manière arbitraire et sans jugement, nombre de nos compatriotes, y compris des élus de la nation.
Vous ne parlez même pas des assassinats barbares perpétrés récemment, impunément, par ses miliciens étrangers, dont la décapitation horrible de Daoukro.
4- Pendant que l’opposition dit ne pas reconnaitre le président Ouattara, des chefs d’Etat, dont le président Emmanuel Macron et des organisations internationales l’ont félicité pour sa réélection. Comment appréciez-vous ces félicitations ?
Il s’agit là d’usages et formalités protocolaires et diplomatiques, n’ayant aucune valeur de légitimité, seul le peuple concerné par l’élection en détient la légitimité. Or, le peuple ivoirien dans sa quasi-unanimité ne se reconnait pas dans cette élection.
5- Après plus de 2 ans, les président Bédié et Ouattara ont renoué le dialogue. Comment appréciez-vous cette reprise et pensez-vous que cela va apaiser l’atmosphère ?
Après tout ce que je viens de vous dire, je ne vois pas quel serait l’objet d’un tel dialogue.
En réalité, Alassane Ouattara se voyant acculé par l’importance de la mobilisation populaire et l’émoi causé par la barbarie de ses miliciens et sbires, dans l’opinion internationale, a voulu créer une diversion par cette image de communication de "dialogue", au côté de Bédié, pour d’une part, tenter de démobiliser les manifestants, d’autre part envoyer un message de dialogue et d’apaisement à l’extérieur pour tenter de se faire "adouber" et recevoir des "félicitations".
Vous remarquerez d’ailleurs que c’est suite à cette manœuvre de diversion, qu’il a reçu ces fameuses "félicitation".
Pour moi, cette fameuse rencontre n’a été, ni plus, ni moins, qu’une erreur tactique, au moment même où des centaines de nos compatriotes croupissent en prison, dans des conditions inhumaines, pour avoir tout simplement usé de leurs droits les plus légitimes, élémentaires et constitutionnels de manifester pacifiquement.
Alassane Ouattara n’est pas dans une logique de dialogue, il est dans une logique de s’imposer à notre pays par la violence, comme président à vie.
6- Quelques jours seulement après leur première rencontre, le président Bédié a suspendu sa participation, conditionnant toute reprise à la libération immédiate des personnes emprisonnées. Qu’en pensez-vous ?
Je considère ce dialogue sans objet. Je ne vois même pas comment on peut suspendre un dialogue qui n’a ni objet, ni calendrier.
Je vous renvoie à la déclaration produite par notre coalition, la CDRP, en substance :
- Pas de 3e mandat
- Invalidation de la fameuse élection
- Poursuite et accroissement de la mobilisation populaire dans le cadre de la désobéissance civile pacifique.
- Etc.
7- dans la même veine, le président BEDIE vient de recevoir le grand Médiateur de la République monsieur Adama TOUNKARA, votre commentaire ?
J’ignore de quoi ils ont pu s’entretenir. En tout état de cause, je peux vous confirmer que ni la CDRP, ni l’opposition unie, n’ont établi de programme de discussion avec monsieur TOUNKARA qui est un obligé de OUATTARA. A ce titre, il est comptable et complice de tous les crimes perpétrés par OUATTARA. On ne l’a d’ailleurs jamais entendu élever une voix dissonante face aux exactions du régime. Comme vous le savez, dans un régime dictatorial, toutes les institutions sont aux ordres. J’observe d’ailleurs que récemment, face à un justiciable ivoirien qui le sollicitait, monsieur TOUNKARA a expliqué que son institution ne s’occupait pas du règlement de problèmes d’ordre politique.
Vous comprendrez donc que tous ces messieurs sont en mission commandée pour tenter de faire diversion et amuser la galerie pour faire croire à un dialogue en cours, dans le seul but de démobiliser les populations.
8- Aujourd’hui, la discussion est au point mort. Que peut faire l’opposition si Ouattara ne cède pas aux préalables de Bédié ?
Seule la mobilisation populaire fera plier Ouattara. Le sacrifice de nos martyrs ne peut être vain.
Comme je l’ai déjà expliqué, il s’agit de libérer notre pays que OUATTARA s’est promis de soumettre définitivement. De façon inédite, il s’est servi des ressortissants étrangers non seulement comme bétail électoral, mais surtout il leur a distribué des armes pour assassiner les ivoiriens sur leur propre sol.
Mais au vu de la prise de conscience et de la détermination dont a fait preuve notre peuple, je reste convaincu que nous vaincrons la dictature fasciste.
9- L’Etat ivoirien dit avoir lancé des mandats d’arrêt contre Guillaume Soro et certains de ses proches. Jusqu’où ces mandats peuvent-ils aller et pensez-vous que les autorités françaises vont s’exécuter ?
Il s’agit que d’une nième communication de diversion de monsieur Ouattara pour détourner l’attention de l’opinion internationale sur actes barbares en Côte d’Ivoire.
Les avocats de Guillaume Soro l’ont suffisamment démontré, la Cour africaine des droits de l’homme, justice internationale, a invalidé les charges factices de Ouattara.
D’ailleurs je vous fais remarquer que s’il existait des charges valables contre Guillaume Soro, pourquoi Ouattara l’a-t-il empêché d’atterrir à Abidjan en décembre 2019, ce qui lui aurait permis de le mettre en arrestation ? Trèves de plaisanterie donc.
10- Le président Laurent Gbagbo qui depuis lors a fait la demande d’un passeport n’est jusque-là pas encore entré en possession de ce document, selon son avocat. Qu’est ce qui peut expliquer cette lenteur dans la délivrance dudit document ?
Laurent Gbagbo a droit à un passeport ordinaire en tant qu’Ivoirien et à un passeport diplomatique en tant qu’ancien président. De plus, il a été acquitté de toutes charges à la CPI. Monsieur Ouattara tient à en faire une affaire d’état, encore une fois pour faire diversion d’une part, et d’autre part, pour en faire un objet de chantage, de négociation, pour je ne sais quelle contre-partie.
Je n’ai point la prétention de m’exprimer ici au nom du président Laurent Gbagbo, mais pour moi, qui connait l’homme depuis plus d’un demi-siècle, son attachement profond à la démocratie, à la souveraineté de notre pays, son patriotisme, je peux vous affirmer que c’est peine perdue pour ce régime dictatorial, antinational, de vouloir persévérer dans cette attitude de chantage, voué à l’échec.
11- Si vous avez un appel à lancer. Que diriez-vous ?
Je demande aux populations de rester mobilisés pour poursuivre la désobéissance civile pacifique.
Interview réalisée par Lambert KOUAME