Face aux chiffres alarmants sur la mortalité maternelle, des activistes ivoiriens veulent plus d’actions par le vote de la loi sur la santé de la reproduction (Dossier)





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Le Protocole de Maputo à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples (Protocole de Maputo) est un protocole international de l’Union africaine (UA), amenant les États signataires à garantir les droits des femmes, y compris le droit de participer au processus politique, l’égalité sociale et politique avec les hommes, une autonomie améliorée dans leurs décisions en matière de santé et la fin des mutilations génitales féminines.

Suite à la reconnaissance du fait que les droits des femmes étaient souvent marginalisés dans le contexte des droits humains, une réunion organisée par Women in Law and Development in Africa (WILDAF) en mars 1995 à Lomé (Togo), a appelé à l’élaboration d’un protocole spécifique à la Charte des droits de l’Homme et des Peuples pour aborder les droits des femmes. L’assemblée générale de l’Organisation de l’unité africaine OUA) a chargé la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) d’élaborer un tel protocole lors de sa 31e session ordinaire en juin 1995, à Addis-Abeba.

Il a été conclu et signé le 11 juillet 2003 à l’occasion du 2e sommet par l’Union africaine, à Maputo (Mozambique), date à laquelle la Côte d’Ivoire l’a ratifié, tout comme 36 Etats africains. La date limite pour la ratification était fixée au 31 décembre 2020.

 

Protocole controversé par certains Etats africains

L’opposition au Protocole repose l’article sur la santé génésique, auquel s’opposent principalement les chrétiens et les musulmans. Effet, les évêques catholiques d’Afrique s’opposent au Protocole de Maputo parce qu’il définit l’avortement comme un droit humain. Pour le pape Benoit XVI (encore en poste au moment de l’élaboration du Protocole), « l’interdit de l’avortement est humain, pas religieux. Plutôt que proposer l’avortement thérapeutique, il faut créer des réseaux d’amour pour éviter que la peur de la maladie et de la souffrance ne condamne les familles à la solitude ». Au plan mondial, des pays tels l’Andorre, la République Dominicaine, le Salvador, Malte, le Nicaragua et le Vatican se distinguent même par une interdiction totale de l’avortement.

Les pays musulmans tels que le Niger, Djibouti, le Tchad… se sont principalement opposés aux articles relatifs aux mutilations génitales féminines, le mariage polygamique et d’autres pratiques traditionnelles. En général, les autorités religieuses musulmanes considèrent que « l’avortement interfère avec la volonté d’Allah (Dieu) qui, Seul, a droit de vie et de mort ».

En 2017, seuls neufs pays, à savoir le Burkina Faso, le Malawi, la Mauritanie, la Namibie, le Nigeria, le Rwanda, le Sénégal, l’Afrique du Sud et la RDC, avaient respecté leurs engagements sur la présentation de rapports d’avancement.

En 2019, un observateur constate que « malgré tous les progrès, la situation des femmes reste instable dans beaucoup de pays, notamment en cas de crise politique ou de conflit armé. De même, les Etats signataires peinent à faire respecter tous les droits établis par la charte.

 

Chiffres des avortements clandestins dans la sous-région ouest-africaine

Environ 1,8 million avortements non sécurisés sont pratiqués chaque année en Afrique de l’Ouest avec un taux 540 décès pour 100 000 avortements, représentant de loin le taux le plus élevé au monde, selon des études. Par peur ou par honte, les jeunes filles s’adonnent à des pratiques pour avorter, mettant en danger leur vie, ingurgitant aussi des décoctions traditionnelles.

En Côte d’Ivoire, en matière de décès maternels, il y a 35% dus aux hémorragies de la délivrance, 19% aux éclampsies (hypertension sur la grossesse) et 9% aux infections, soit un taux de mortalité maternelle des plus élevés de la sous-région avec 543 à 720 décès pour 100 000 naissances vivantes entre 2005 et 2013 (OMS). Aussi, sur près de 250 000 avortements clandestins qui sont pratiqués chaque année, il y a 18% de mortalité, sans oublier les séquelles médicales et psychologiques, telles que les infections, les hémorragies, les perforations d’utérus, qui marquent à vie ces patientes.

 

Rôles de la société civile pour le vote et la mise en application effective de cette loi

Etant signataire de ce Protocole depuis 2003, la Côte d’Ivoire est l’un des rares pays africains à être en retard sur le vote d’une loi sur la santé de la reproduction. Aussi, lors du Sommet sur le Protocole de Maputo tenu en avril 2019 à Nairobi, au Kenya, la ministre du Plan et du Développement, Kaba Nialé, a pris l’engagement au nom du pays, pour que cette loi soit effectivement votée et appliquée pour éviter les tragédies familiales.

Les activistes de la société civile ne comprennent pas ce retard de la Côte d’Ivoire. A cet effet, en mars 2021, mois dédié à la femme avec la Journée internationale des droits de la femme, il y a eu une série d’activités organisées par la société civile pour amener les autorités compétentes, à savoir principalement le ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, et celui de la Femme, de la Famille et de l’Enfant (MFFE) à accélérer le processus.

Ces activistes se sont prononcés lors d’une conférence de presse tenue le 24 mars 2021 autour du thème « Droits des femmes en Côte d’Ivoire : arrêtons les discours et posons des actions concrètes », organisé par un collège d’activistes. L’une des leurs, Eva Amegboh, a préconisé la validation du projet de loi sur la santé de la reproduction afin de réduire le taux de mortalité maternelle et de néonatalité. Elle a demandé au MFFE de s’impliquer davantage dans la mise en place de cette loi, mais surtout de faciliter aux personnes vivant avec un handicap, l’accès aux services publics par l’aménagement de rampes.

Désirée Deneo, une autre intervenante, a, pour sa part, sollicité les autorités ivoiriennes et les médias pour appliquer une approche de condamnation systématique sur les violences basées sur le genre (VBG), et à simplifier les procédures de dénonciation et de prise en charge judiciaire et commettre d’office des avocats pour la défense des victimes de VBG. Les panélistes ont soutenu que l’Association des femmes juristes de Côte d’Ivoire (AFJCI) a été mise à contribution.

« Ces chiffres alarmants doivent interpeller les pouvoirs publics qui doivent absolument aider les spécialistes de la santé à une meilleure prise en charge médicale de ce phénomène qui est une triste réalité. La santé de la reproduction est à plus de 70% liée à directement à la femme: elle doit être protégée et donc, a le droit de décider de sa sexualité », a soutenu Dr Sosthène Dougrou, directeur exécutif de la section ouest-africaine de l’ONG américaine IPAS International, qui intervient dans la santé maternelle et infantile, et la santé de la reproduction. Son avis a été également partagé par Mme Nènè Fofana-Cissé, directeur pays de l’ONG internationale Engenderhealth qui plaide pour l’adoption de cette loi.

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