Mme Silvie Kassi-Memel (DG de la Culture) : « La culture, c’est d’abord les hommes… »





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Mme Silvie Kassi-Memel, DG de la Culture de Côte d'Ivoire



Anciennement DG du musée des civilisations de Côte d’Ivoire Madame Silvie Kassi Memel a été nommée directeur général de la culture depuis quelques semaines. Dans cet entretien, elle fait le bilan de son passage à la tête du patrimoine muséal ivoirien et présente sa vision pour sa nouvelle fonction.

Depuis quelques jours,  vous avez été promue directrice générale de la culture, auparavant pendant plusieurs années vous avez géré le musée des civilisations de Côte d’Ivoire. Quel bilan faites-vous de votre présence au musée durant ces années ?

Merci de me donner l’opportunité de parler de toutes ces années à la tête du musée des civilisations de côte d’ivoire le plus important en matière de musée. Je suis arrivée au musée en 2006, le 12 mai et aujourd’hui je capitalise de 15 années à la tête de cette importante institution qui dépend du ministère de la culture. C’est l’un des importants musées du continent nord-africain et c’est aussi un musée qui a fait sa mue depuis longtemps parce qu’en 2006,  le musée n’était pas dans ses habits que nous voyons aujourd’hui.

En termes de statistique, ça donne quoi ?

Le musée est passé au niveau du taux de fréquentation, de 8000 à plus de 90000 visiteurs  avant la venue de la Covid 19. Et ce qui nous réjouit énormément c’est d’avoir réussir vraiment cette prouesse de faire venir même les classes de l’intérieur du pays pour des visites. Ce qui n’est pas évident. Nous avons aussi ouvert les portes du musée aux étudiants et chercheurs qui viennent de tous les pays aujourd’hui. Même la Sorbonne, le canada, les États-Unis, la France nous envoie des étudiants. Il y a des étudiants qui font des soutenances en direct depuis Abidjan et il y a des africains aussi comme le mali, le Niger, le Burkina que nous recevons. Le musée des civilisations c’est aussi un musée qui enrichit son fond. Nous sommes passés de 10000 pièces à 15000 objets représentatifs de toutes les régions de la Côte d’Ivoire. Donc aujourd’hui vous venez au musée, vous avez toute l’histoire de la Côte d’Ivoire, toutes les civilisations. Et le plus, c’est que cette institution a réussi à pénétrer la vie des entreprises car le musée se déplace pour aller en entreprise.

Comment cela peut se faire ?

Nous avons voulu donner  au musée, la possibilité d’être une institution incontournable et particulière de choix pour les entreprises. Nous savons vous et moi que quand on parle de musée en Afrique généralement, ce sont des établissements qui ne sont pas connus Dans le cas du musée, nous avons voulu vraiment que cette image qu’on a changé. Au niveau  de ses activités, le musée vient aussi d’ouvrir un centre de recherche pour qu’on interroge plus les collections que nous avons, afin de mieux connaitre l’histoire pour donner à travers des activités scientifiques telles que des colloques, des séminaires, etc. Histoire de pouvoir vraiment avoir toute les données plausibles et viables sur le patrimoine culturelle nationale.

 Dans les normes, pensez-vous que le musée des civilisations de Côte d’Ivoire peut se positionner sur l’échiquier international ?

Le musée est en train de devenir un musée international parce que je vous ai dit toutes ces personnes viennent de partout, les activités que nous menons aujourd’hui sont dans la logique de respecter les normes en matière de conservation et de mise en perspective des collections que nous avons. Nous pouvons dire aujourd’hui que le musée a des partenaires de la Côte d’Ivoire mais aussi qui viennent de l’extérieur, donc nous recevons du soutien de partout. Nous avons un expert égyptien qui doit venir au musée pour nous aider à mettre en place un plan d’urgence parce que nous sommes aussi dans des pays ou ce n’est pas toujours la stabilité politique. Et comme le musée veut vraiment s’inscrire sur la liste de grands musées, Nous avons tout mis en œuvre pour lui donner la possibilité d’échanger dans des débats sur la maturation concernant le musée.  Le musée est en train d’arriver à cela.

En termes de satisfaction, pensez-vous avoir réussi votre mission?

Je dirais que je suis satisfaite. Satisfaite de mon parcours, parce que j’ai eu vraiment beaucoup de chances de tomber sur une équipe dynamique de professionnelles. C’est vrai que dans le cadre de notre gestion nous donnons la possibilité à ces agents d’aller dans plusieurs pays pour se former de sorte à être à niveau. Aujourd’hui, je vous ai dit nous avons des chercheurs, des étudiants qui viennent ici. Les musées en suisse, en Israël, au Pays-Bas, en France, au Portugal, viennent aujourd’hui pour faire des expositions avec les collections archéologiques de 100000 ans avant J.C. Avant, ce genre de choses se faisaient dans un seul sens, mais aujourd’hui c’est un partenariat gagnant-gagnant.

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Aujourd’hui quand vous rentrez dans nos réserves, elles sont organisées. Enfin quand on présente même les charges du musée, vous verrez que les choses ont changé.  Au niveau des objets qui sont à la salle d’expositions, ils ne plus exposés à la poussière, mais placés sous-vitrines. De la commodité à la présentation, en passant par la climatisation des objets avec les étiquettes, le Branting de la communication, l’affichage,  tout vous renseigne. Quand les gens regardent, ils ne croient pas. Je me souviens que j’étais allée à Lyon pour donner une communication  à l’Université de Lyon 2  et quand j’ai commencé à parler du musée, de ce que nous faisons, ils sont allés sur Internet pace que je projetais les images, ils ont dit madame la directrice s’il vous plait présentés nous les images du musée de Côte d’Ivoire et puis j’ai dit ce sont les images du musée de Côte d’Ivoire, ils disent excusez-nous on parle du musée d’Abidjan. Je dis mais c’est le musée d’Abidjan que je vous montre et là ils sont allés séance tenante sur le net pour se rassurer et quand ils ont vu, ils étaient stupéfaits. Et ce sont toutes ces choses qui augmentent l’audience du musée du plus en plus les gens viennent et il ne se passe vraiment pas des semaines sans qu’on nous demande de faire la communication sur le musée, de présenter le musée et je pense que c’est tout à l’honneur de la politique culturelle des autorités de ce pays qui ont vraiment compris que par la culture nous pouvons vraiment nous développer.

C’est sûrement ce qui a motivé la ministre de la culture et de l’industrie des arts et du spectacle à vous confier cet autre portefeuille…

Nous sommes dans la vision de madame la ministre de la culture  et de l’industrie des arts et du spectacle madame Arlette Badou N’Guessan Kouamé. Depuis qu’elle est là, elle nous a dit de présenter les choses autrement, de parler de la culture comme pilier essentiel du développement, de parler de modèle économique, de parler du développement durable, de montrer que la culture est essentielle dans une communauté.  Cela nous a donné encore des ailes et on va encore continuer sur cette lancée. Et comme on le dit on va jusqu’à la gare. Donc pour vous dire que vraiment que je suis satisfaite mais par rapport à ma mission.

Vous laissez donc un lourd héritage à votre successeur…

Nous ne lâchons pas totalement le musée et ce, d’autant plus qu’aujourd’hui les questions du musée tournent autour en faveur de la restitution. Il faut voir les objets qui vont venir et devoir sécuriser ceux qui sont ici parce que le trafic illicite sévit encore. Surtout que le musée a été pillé il n’y’a pas longtemps et  que le ministère a compris qu’il fallait prendre quelqu’un de notre équipe. C’est donc quelqu’un qui a travaillé à nos côtes pendant longtemps qui a été nommé. Il nous dit à tout bout de champs, « Madame la directrice, je ne peux pas prendre de décision sans vous consulter ». En tout cas le défi est grand et je crois que le nouveau directeur a mesuré tous les enjeux. Nous travaillerons ensemble.

D’accord, et là, vous arrivez dans une nouvelle  fonction qui est un nouveau poste au niveau du ministère…

On nous a dit qu’il y’avait M. Antoine Kacou à l’époque de Mme Henriette Diabaté qui a été directeur générale de la culture mais il n’y’a pas de trace. Donc nous venons  sur un terrain inconnu, mais comme je le dis,  j’aime le challenge. Nous sommes dans la culture et principalement dans le domaine du patrimoine depuis 28 ans et je ne fais rien d’autre que ça. Je suis très contente qu’on me donne la possibilité de démarrer des programmes d’activités et de donner notre vision à partir du discours programme de madame la ministre de la culture lofrs de  la rentrée culturelle au Palais de la Culture.

Et la quelles sont vos attributions, votre cahier de charge ?

Au niveau du cahier de charge,  les attributions ne sont pas encore finies parce qu’il y’a la note de cadrage  qui doit venir pour délimiter mais nous avons une idée nette de nos attributions. Le décret de notre organisation de la culture a bien décliné les responsabilités de notre direction. Je suis la directrice générale de la culture, mais il y’a DG des arts et du spectacle. Dans ma direction, il y’a 4 directions centrales qui travaillent exclusivement sur ce que nous avons sur le patrimoine culturelle.  C’est à dire que nous coordonnons et nous mettons en œuvres toutes les perspectives qui portent sur le patrimoine culturelle nationale c’est à dire la conservation, la valorisation et  la promotion. Nous avons aussi des initiatives dans le sens de vacances cultures, des biens culturels et de grands ensembles que nous pilotons.

Comment vous voyez ce challenge et comment vous compter le relever ?

Je ne sais pas si je dois vous le dire (Rires), mais c’est le travail que nous sommes en train de faire. Madame nous a instruit à tous les deux DG, de lui donner la vision de notre culture comme nous la voyons. Donc chacun est dans un laboratoire actuellement pour sortir son plan d’action. Il s’agit pour moi  de montrer l’exception culturelle ivoirienne, l’exception qui se pose sur ses fondamentaux pour nous donner une identité propre. Quand on voit l’Ivoirien ce n’est pas le togolais ce n’est pas l’américain mais c’est l’Ivoirien avec toutes les valeurs encrées dans l’éducation qui nous a été transmise de génération en génération.

Comment définissez la culture ivoirienne ?

La culture c’est la base du développement. Il y’a effectivement que cette culture a des ressources  qui peuvent aujourd’hui permettre à la Côte d’Ivoire de se développer. la cote d’ivoire est un pays de l’offre culturelle et quand on parle de diversité culturelle on va vers les échanges, le dialogue interculturelle. Nous devons donc penser à des grands  projets novateurs, des projets qui puissent emmener vraiment l’attention du monde sur l’exception culturelle ivoirienne à travers la culture. L’ivoirien nouveau doit proscrire les gènes de la haine et de la division. Nous devons créer par exemple un mémorial national, de Côte d’Ivoire avec tout ce qui nous rappel notre histoire avec Houphouët Boigny, avec Bernard Dadié, les grands noms des hommes et des femmes, de sorte à ce que cela puisse inspirer des générations dans le sens de l’amélioration des cultures. Si le peuple n’est pas éduqué, nous ne pouvons pas produire le rendement escompté, parler effectivement de développement économique. Parce que la culture c’est d’abord les hommes. La culture comment est-ce que nous la conservons ? c’est essayer de briser un peu c’est barrière psychologique que les gens ont ériger dans l’inconscient, la conscience collective et qui fait que quand on parle de culture on dit « oor, ça ne rapporte rien »  « la culture va nous donner quoi ? » c’est de montrer justement, Pourquoi en Europe quand on y va on ne parle pas de coup d’Etat ? Pourtant ils sont en train d’insulter leur président et tout ça mais font jamais de coup d’Etat. Et ça c’est quelque chose qu’on n’a pas compris. C'est dire que tout  peut se régler par la culture. La culture est un bon moyen pour régler les conflits. Je crois que madame la ministre a bien compris cela, vous la voyez dans les grandes actions telles que  la semaine nationale de la culture nous étions tous à Yamoussoukro et c’était époustouflant. Il hy a eu le MASA. C'est pour vous dire qu'actuellement chacun est dans son laboratoire pour vous faire sortir quelque chose  qui va vraiment déterminer notre plan d’action en fait . 

Quelles sont les différentes structures sous votre tutelle 

Il y a le musée, la bibliothèque nationale, l’office ivoirien du patrimoine culturelle qui s’occupe de tout ce qui est inscriptions de bien culturelle sur la ligne du patrimoine mondiale de l’UNESCO. Cette structure s’occupe aussi de tout ce qui est inventaire de la culture immatérielle de la Côte d’Ivoire. Nous avons également la coopération culturelle, les échanges internationaux, la diplomatie culturelle car  aujourd’hui, nous avons des représentations à l’étranger qui se chargent de porter la vision en matière de culture. Nos actions sont très étendues.

Est-ce que vous avez les moyens ?

Oui nous avons les moyens. On a les moyens aujourd’hui et on aura toujours les moyens, parce que jusque-là les gens ont toujours pensé que l’affaire de la culture c’est l’affaire de l’Etat seul. Nous allons faire en sorte que les gens eux-mêmes s’approprient cela. Il y a une exposition symbolique qui a montré qu’on n’a rien à envier aux autres. Nous sommes présents partout dans les marchés comme celui de Tokyo, de Londres  et bien d’autres. Aujourd’hui, les ventes aux enchères ne se font pas sans qu’il n’y ait un objet de la Côte d’Ivoire il faut réglementer cela parce que tout le monde gagne sur le dos de la Côte d’Ivoire il est temps de que la Côte d’Ivoire en profite.

Vous parlez avec tellement de passions qu’aujourd’hui c’est dommage, mais  pour l’ivoirien lambda d’une certaine génération, quand on parle de culture,  tout de suite on voit la musique, on ne voit pas le patrimoine culturelle dans toute cette densité  et dans toute cette diversité-là. Comment faire changer cela dans l’esprit de ces jeunes ?

 Oui c’est vrai, Je leur dirai qu’ils n’ont pas une éducation complète, ils n’ont pas une connaissance complète. C’est vrai que la musique aujourd’hui est industrielle  et que quand on parle de musique, on est carrément,  en ce qui concerne la Côte d’Ivoire,  dans une autre dimension. Mais il n’y’a pas que la musique. Je pense qu’il est temps qu’on comprenne qu’il y’a aussi d’autres disciplines qui sont très importantes et qui viennent justement pour donner cette lettre de noblesse au beau pays qu’est la Côte d’Ivoire. Je crois que c’est cela aussi le combat, c’est aussi notre mission. Donc c’est tout un ensemble que nous devons acquérir si nous voulons arriver à l’ivoirien nouveau.

Réalisée par Solange ARALAMON

 

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