La douloureuse expérience vécue par Charles Blé Goudé confirme que tout acteur politique en exil ne devrait pas négocier à n'importe quel prix son retour au pays. L'entente entre le pouvoir Rhdp et le président du Congrès Panafricain pour la Justice et l'Egalité des Peuples (Cojep) s'effrite. Cela arrive à un moment où Charles Blé Goudé mène dans la partie ouest du pays, une tournée au cours de laquelle son discours est certes dominé par des appels à la paix, mais ses rencontres avec les populations à moins de deux ans de la prochaine élection présidentielle fait forcément penser à l'ambition qu'il nourrit de diriger la Côte d'Ivoire. Une ambition que le chef de file de l'ex-galaxie patriotique avait choisi de reléguer au second plan dans la période de son retour au pays en 2022, préférant mettre en priorité une bonne entente avec les autorités du pays auprès de qui il négociait les conditions de son retour pacifique au pays. Une illustration de cette idylle a été sa déclaration lors d'une interview accordée au confrère NCI en juin 2022, dans laquelle il affirme : "... le Président Ouattara est mon oncle". Une déclaration largement perçue dans l'opinion comme l'expression de l'opportunisme d'un exilé qui après l'obtention de son passeport qui lui a été remis par les autorités un mois plus tôt, adoptait la posture pouvant favoriser l'étape suivante, à savoir son retour en Côte d'Ivoire sans être inquiété malgré la peine de 20 ans de prison prononcée à son encontre par la justice ivoirienne pour "actes de torture, homicides volontaire et viol". Si sa déclaration empreinte de démagogie a été applaudie par des partisans du pouvoir Ouattara, elle a été perçue par des pro-Gbagbo comme une haute trahison. Mais au-delà de ces considérations partisanes, elle a été globalement appréciée comme une stratégie pour mettre fin à son exil, regagner son pays en paix, et se repositionner progressivement et malicieusement dans le jeu politique. Effectivement, arrivé en Côte d'Ivoire quelques mois plus tard, l'ex-détenu de la CPI conservera pendant longtemps son discours de communion avec le régime Rhdp qu'il s'est gardé de critiquer, lui qui avait pourtant par le passé tenu des propos assez acerbes à l'endroit du mentor du RDR Alassane Ouattara. En face, les autorités ont elles aussi joué le jeu, tout en restant convaincues qu'un jour où l'autre, leur partenaire voudra s'émanciper et devenir un potentiel adversaire. C'est donc de ce Blé Goudé qui affiche ses ambitions que Cissé Bacongo a parlé jeudi dernier pendant sa conférence de presse. En affirmant qu'il (Blé, ndrl) "est avec nous, tous les jours, au propre comme au figuré", le secrétaire exécutif du Rhdp choisit ses mots à dessein pour accréditer la rumeur annonçant le président du Cojep régulièrement aux côtés des responsables du parti au pouvoir, bénéficiant de leurs largesses matérielles. L'objectif est clair : discréditer aux yeux de l'opinion, et surtout de ses camarades du Cojep, un compagnon de circonstance qui veut subtilement rompre des accords tacites. A malin, malin et demi.
Cissé Sindou