Les lois de la République de Côte d’Ivoire disposent que l’Etat, dans l’élaboration de son budget annuel, doit prévoir une ligne pour le financement des activités des partis politiques. Et ceci depuis 25 ans.
C’est la loi 2004-494 du 10 septembre 2004 qui fixe les montants, les conditions de l’octroi et les mécanismes de contrôle de ces fonds publics. Et toujours selon cette loi, la cagnotte reversée aux partis politiques, représente le 1/1000 du budget de l’État de l’année en cours. Dans le principe, c’est donc un devoir pour l’État et un droit pour les partis politiques qui en remplissent les conditions, de bénéficier de cette cagnotte pour exister et fonctionner. Seulement voilà. Depuis maintenant une semaine, un parti politique et de surcroît, le plus vieux de la Côte d’Ivoire, en l’occurrence le PDCI-RDA, via ses canaux officiels de communication, a fait de cette subvention, l’axe de ses revendications pour ce dernier trimestre de l’année.
Ainsi, les supports de communication du PDCI-RDA font plus de communication autour de cette subvention que la communication relative à la mobilisation de leurs militants pour l’opération de révision de la liste électorale dont nous entamons la dernière semaine. Il est vrai que ceci est un droit et l’État est dans l’obligation de reverser cette cagnotte aux ayant droits, notamment les partis politiques. Or, telle qu’engagée, cette opération de communication laisse sous-entendre que les caisses du PDCI-RDA sont vides. Si tel est le cas, le doyen des partis politiques en Côte d’Ivoire est fondé à faire pression sur l’État pour avoir quelques ristournes pour financer ses activités. Mais ce qui intrigue dans l’affaire, c’est que le PDCI-RDA, à travers cette insidieuse campagne de communication, veut faire croire que l’État a décidé de bloquer la subvention de ce parti politique. Depuis maintenant une semaine, dans sa publication de chaque matin, le confrère Le Nouveau Réveil a institué un compte à rebours qui annonce le nombre de jours pour lesquels le PDCI-RDA est sans financement.
Mais fait intriguant, dans l’article, le même journal fait clairement savoir que cette situation n’est pas singulière au PDCI-RDA et que tous les partis politiques en Côte d’Ivoire sont dans la même situation. « Il est bon d’informer les Ivoiriens que depuis le début de l’année, aucune subvention n’a été versée à un parti politique. Cela fait exactement 300 jours, ce mercredi, que l’État ne s’est pas exécuté », indique le journal officiel du PDCI-RDA, dans sa livraison du 30 octobre 2024. Il est vrai que l’État doit s’exécuter dans le paiement de cette subvention, mais pourquoi, insidieusement, faire croire que le pouvoir en place est dans une logique d’asphyxier le PDCI-RDA en bloquant cette subvention ? Au-delà de cette subvention, posons-nous les vraies questions pour mieux cerner le fonctionnement des partis politiques en Côte d’Ivoire. Cette subvention dont parle tant le PDCI-RDA, est proportionnelle au nombre de voix obtenues aux élections législatives et de sièges dont dispose chaque parti politique à l’Assemblée nationale. Et pour le PDCI-RDA, cette cagnotte tourne autour de 200 millions de Francs CFA. Mais pour un parti politique de la trempe du PDCI-RDA, ceci est une goutte d’eau dans la mer.
C’est un constat général. En Côte d’Ivoire, les militants ne cotisent pratiquement pas pour renflouer les caisses des partis politiques. Et très souvent, c’est le principal leader, quelques cadres et les réseaux du principal leader qui mobilisent les fonds pour financer les activités du parti et paient les salaires du personnel. Dans l’opposition, Laurent Gbagbo l’a fait pour le FPI avant d’accéder au pouvoir en 2000. Après avoir été évincé du pouvoir en 1999, Henri Konan Bédié en a fait autant pour faire survivre le PDCI-RDA jusqu’en 2010. Alassane Ouattara a vécu durement cette situation plus que quiconque pendant 16 ans, depuis la création du RDR en 1994, jusqu’à son accession au pouvoir en 2010. Et pourtant, entre 1994 et 2010, le RDR a tourné à plein régime sans que les supports de communication n’érigent des murs de lamentation pour ameuter l’opinion et revendiquer quoi que ce soit. Quand Bédié a fait le choix de quitter le RHDP, il a trouvé les moyens pour faire fonctionner son parti à plein régime jusqu’à son décès en 2023. Mais pourquoi, c’est depuis l’arrivée du messie du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, que ce parti veut faire des marches de protestation pour réclamer sa subvention ? Sans être dans le secret des dieux, l’on peut dire que le PDCI-RDA est en panne sèche. Le fonctionnement d’un parti politique, surtout de l’opposition, a un coût. Et très généralement, c’est le principal leader qui finance ou trouve des mécanismes pour faire fonctionner son parti. Est-ce que pour la situation actuelle du PDCI-RDA, l’on peut dire que son chef, l’ancien patron du Crédit Suisse, le plus grand ingénieur dont disposerait la Côte d’ivoire, n’arrive pas à faire fonctionner son parti ? Tout porte à le croire. Si tel est le cas, ceci est un signal fort. Si l’ingénieur n’arrive pas à mobiliser des fonds pour fonctionner un simple parti politique, réussira-t-il à l’échelle d’un pays ? La question reste entière. Pendant ce temps, nous nous associons au confrère Le Nouveau Réveil pour faire un plaidoyer auprès de l’État pour le paiement de la subvention aux partis politiques, parce que les temps sont durs. Surtout au PDCI-RDA, après la mort du président Henri Konan Bédié.
Kra Bernard