Tenté de prendre sa retraite en 2020, Alassane Ouattara va-t-il rater cette belle occasion d’entrer dans l’histoire de la Côte d’Ivoire par la grande porte ? Pourtant nul n’est indispensable.
Pour certains partisans du chef de l’Etat, il n’existe pas à ce jour un Ivoirien capable de diriger la Côte d’Ivoire autant qu’Alassane Ouattara. Ceux-ci poussent donc l’ancien DGA à briguer un troisième mandat en 2020. En réalité, ceux-ci constatent qu’en dehors de Ouattara, peu de cadres au sein du Rhdp peuvent valablement faire face à d’autres poids lourds de la politique ivoirienne tels que Henri Konan Bédié candidat potentiel à la prochaine présidentielle, ou Guillaume Soro candidat déclaré à la même élection. Ces partisans du parti au pouvoir sont soucieux de préserver leurs intérêts et privilèges, ou obsédés par leur haine vis-à-vis d’adversaires politiques du Rhdp qu’ils ne souhaitent jamais voir s’asseoir dans le fauteuil présidentiel. L’ancien Premier ministre d’Houphouet-Boigny est alors présenté comme l’homme indispensable en l’absence de qui la stabilité et le développement du pays se trouveraient menacés. Malheureusement, le successeur de Laurent Gbagbo, parfois trahi par son goût prononcé du pouvoir, semble lui-même animé par ce sentimentde personne irremplaçable. Ainsi, au lieu de permettre à son parti de désigner un candidat à sa succession et donner à celui-ci le temps nécessaire pour mieux préparer 2020, le Président sortant a choisi d’entretenir le flou en gardant la porte ouverte à sa propre candidature. Dans la sous-région, il a vu certains de ses homologues comme le Sénégalais Abdoulaye Wade qui a connu une humiliation dans une aventure pareille. Par ailleurs,il a vu plusieurs Présidents devenir des modèles en respectant la règle des deux mandats au Ghana, au Nigéria, au Bénin, ou ailleurs en Afrique. Mais ces exemples ne semblent pas lui servir de leçons. Lui et ses inconditionnels continuent de faire croire que la Côte d’Ivoire s’arrêterait si son chef d’Etat ne s’appelle pas Alassane Ouattara. Emerveillés par le pouvoir et les moyens de l’Etat, et jugeant inattaquable leur bilan de deux mandats, ils ont une foi absolue en leur victoire. Pourtant, en 2012, au Sénégal, après 12 années de gouvernance le bilan de Wade était aussi riche en créations d’infrastructures que celui de Ouattara. Mais cela n’a pas suffi à convaincre les électeurs sénégalais. Ils ont majoritairement accordé leurs voix à Macky Sall. Y a-t-il meilleure preuve de ce que nulle n’est indispensable ? D’ailleurs, le Sénégal, après Wade, semble mieux se porter avec d’autres grandes réalisations de son successeur. A juste titre, le Président sortant du Niger rappelle depuis quelques années que nul n’est indispensable. « J’ai beau chercher, je ne trouve aucun argument qui justifierait que je me sente irremplaçable…Nous sommes 22 millions de Nigériens, pourquoi aurais-je l’arrogance de croire que nul ne peut me remplacer ? », s’estinterrogé en août dernier Mahamadou Issoufou dans les colonnes de Jeune Afrique. Avant d’ajouter : « Moi, je pense qu'il faut respecter les Constitutions. Et d'ailleurs, quand je me suis présenté aux élections, j'ai fait la promesse qu'un de nos objectifs était de consolider l'ordre démocratique et les institutions démocratiques et républicaines dans le pays. Et cela ne peut se faire en détricotant les Constitutions à chaque fois ». Ouattara a pris un engagement similaire lors de l’adoption de la Constitution de 2016 en Côte d’Ivoire. Le Peuple l’attend sur sa parole.
Cissé Sindou