Eugène Diomandé, premier candidat à se déclarer, a depuis rejoint l’ancien capitaine des Eléphants. En plus de soutenir la candidature de Drogba à la succession d’Augustin Sidy Diallo, le président du Sewé Sports assure que le football ivoirien a trop souffert d’un manque de vision, une situation que l’élection de l’ex-footballeur changerait selon lui radicalement. Il s’en explique à Jeune Afrique, sans se soucier du politiquement correct.
Jeune Afrique : Pourquoi aviez-vous décidé de vous porter candidat à la présidence de la FIF, en novembre dernier ?
Eugène Diomandé : J’avais décidé d’être candidat car j’estimais être plus légitime que beaucoup d’autres prétendants. Je suis le président d’un club professionnel, qui a été trois fois champion de Côte d’Ivoire, qui a disputé la finale de la Coupe de la CAF en 2014. Aujourd’hui, il est en D2, et j’ai certes vécu en Europe pendant plusieurs mois, mais j’étais très informé de la situation du football dans mon pays.
Ma candidature était réfléchie, pas aventurière. D’autres personnes, comme Sory Diabaté, l’actuel vice-président de la FIF, qui incarne l’actuelle gouvernance de Sidy Diallo, ou Idriss Diallo, qui en a fait partie, briguent le poste. Cela m’a conforté dans mon constat.
Lequel ?
Que depuis trente ans, au moins, c’est la même bande qui s’accapare le football ivoirien. Souvent, leur gestion a été décriée, irrationnelle, alors que le football ivoirien possède de nombreuses richesses, qu’il s’agisse des joueurs ou des entraîneurs. Seulement, faute d’une vision moderne, progressiste, il n’est pas au niveau auquel qu’il devrait être. J’ai été candidat pour dire que le football, dans mon pays, n’appartient pas seulement à certains. Je pense que ma candidature a été perçue comme naturelle et légitime par beaucoup d’Ivoiriens.
Vous avez décidé de la retirer pour rejoindre Didier Drogba. Pourquoi ?
Quand j’ai annoncé ma candidature, Didier n’avait pas officiellement déclaré la sienne. Il y pensait sérieusement. À partir du moment où il s’est engagé officiellement, j’ai revu ma position. Je l’ai rencontré, et nous avons pu nous rendre compte que nous partagions beaucoup de points communs et une même vision des choses.
Didier et moi n’appartenons pas à la bande d’amis que j’ai évoquée, et qui a pris l’habitude de se repasser le pouvoir. C’est pour cela que j’ai eu l’impression, ces dernières années, qu’il s’agissait plus de successions que d’élections à la présidence de la FIF. Avec, comme c’est hélas trop souvent le cas en Afrique, des influences politiques.
Est-ce une allusion au fait que Jacques Anouma et Sidy Diallo sont respectivement perçus comme proches de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara ?
Cela me semble évident. Jacques Anouma a présidé la FIF de 2002 à 2011, quand Laurent Gbagbo était à la tête de l’État. Et depuis le changement de régime, c’est un proche d’Alassane Ouattara, Sidy Diallo, qui est aux commandes. Le football est quelque chose de très important en Côte d’Ivoire. Il n’est donc pas si surprenant que le pouvoir en place préfère voir à la tête de la FIF quelqu’un qui lui est proche. C’est aussi le cas dans d’autre pays.
Le football ivoirien a tout de même obtenu de bons résultats, sous les présidences de Jacques Anouma, puis de Sidy Diallo…
C’est vrai. Jacques Anouma a bénéficié de l’émergence d’une génération exceptionnelle, celle de Didier Drogba, Yaya Touré, Kolo Touré, Zokora et beaucoup d’autres. Les Eléphants ont disputé deux Coupes du Monde (2006 et 2010) et une finale de CAN (2006).
Avec Diallo, la Côte d’Ivoire est devenue championne d’Afrique, en 2015, s’est qualifiée pour la Coupe du Monde en 2014, parce que les grands joueurs que j’ai cités étaient encore là. Ces résultats ont fait beaucoup de bien à l’image du pays, la FIF a touché de l’argent de la FIFA, de la CAF… Mais ce n’est pas suffisant.
Que voulez-vous dire ?
J’estime que le football local a été oublié, que l’argent n’a pas bien été utilisé. Regardez où en sont nos clubs professionnels : ils souffrent presque tous économiquement. Et sur la scène continentale, ils n’ont plus de résultats. Regardez la situation du football chez les jeunes : nous avons un formidable potentiel, mais à part l’ASEC Abidjan, qui mène une vraie politique de formation, elle n’est pas réjouissante.
Pendant plusieurs années, la priorité absolue a été donnée à la sélection nationale. Il y a eu des résultats, mais derrière, la réalité est beaucoup moins brillante, car ceux qui ont présidé la FIF ont tout simplement manqué de vision. De plus, beaucoup, en Côte d’Ivoire, s’interrogent sur la gestion financière de la FIF. Sidy Diallo est très contesté par de nombreux présidents de clubs à ce sujet.
En quoi Didier Drogba peut-il incarner un renouveau ? Ses détracteurs estiment qu’il est très occupé par ses multiples activités, et qu’il ne sera pas un président très présent…
J’entends tout cela. D’abord, Didier est en Côte d’Ivoire depuis plusieurs mois, il rencontre beaucoup de monde, et je peux vous dire qu’il est aujourd’hui le favori de cette élection. Et une majorité d’Ivoiriens, du moins ceux qui s’intéressent au football, estiment qu’il pourra changer les choses. Car c’est un homme pragmatique. Il a une vision pour le football ivoirien, un vrai projet.
Il veut ainsi que les joueurs professionnels disposent d’une assurance médicale, les accompagner vers la retraite, moderniser les infrastructures, développer la médecine du sport, mettre des moyens pour la formation des jeunes et trouver de nouvelles ressources pour le football ivoirien.
Il lui faudra peut-être s’occuper un peu moins de ses autres affaires pour mieux se consacrer à la présidence, s’il est élu…
Didier est en effet quelqu’un de très occupé, et s’il est élu, il ne sera pas tout le temps à Abidjan. Mais est-ce un problème ? Non, car dans son programme, il a indiqué vouloir développer les coopérations au niveau local, mais aussi international. Didier Drogba a été un immense joueur, il a une notoriété planétaire, il dispose d’un réseau très étendu, et il veut en faire profiter le football de son pays. Il voyagera, rencontrera des gens, pour permettre au football ivoirien d’occuper la place qui doit être la sienne.
Source : Jeune Afrique